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La presse !

La Presse

http://www.cap-horn.be/vie_a_bord_presse.php | 19-03-2024 02:26 | © 1999- N. Grigorellis

En temps de guerre, il y avait toujours une pénurie d'hommes compétents. Ces marins confirmés étaient importants parce que les hommes non formés ne pouvaient être utilisés que pour tirer des cordes et manier des pistolets. Seul un marin compétent pouvait travailler dans la mâture. Cela demandait de la compétence de travailler à 30 ou 40 mètres au-dessus du pont en s'accrochant au gréement balançant !

En temps de paix, les Anglais ne conservaient pas une marine importante. Quand la guerre survenait, il devenait donc urgent d’en augmenter la force. Le tableau suivant donne une idée de l'évolution de la marine suivant les circonstances :

1793 1794 1797 1800
45.000 85.000 120.000 130.000

Seule la moitié des marins était d'origine anglaise. Un grand nombre d'Irlandais, Ecossais, noirs des Antilles et des Amériques a servi dans la Marine anglaise.

La Presse

La "presse" était la technique principale de recrutement de la Royal Navy. Un tiers de l'équipage d'un bateau au début d'un voyage devait être composé de vrais marins. Ces hommes provenaient du recrutement (quelques uns seulement), de navires marchands d'où ils avaient été "détournés" et de la "presse".

Ce qu'on nommait la "presse" était en fait le service de l'Impress. Originairement, le mot était "Imprest" et représentait l'argent versé à l'avance pour service rendu à l'état ou au gouvernement. Cela a évolué au fil des années pour devenir Imprest ou seulement presse. La presse dans histoire anglaise remonte au moins au onzième siècle.

Le Service de la Presse envoyait des équipes de 8 à 12 hommes accompagnées d'un officier, pour localiser des hommes âgés de 18 à 55 ans, ayant l'expérience de la mer, et essayer de les convaincre à s'engager dans la marine. On arrivait à en persuader fort peu, on les forçait (= pressait) donc à entrer dans la Marine. Assommés, menacés avec une épée, un pistolet ou un mousquet, abrutis avec de l'alcool, c'est ainsi qu'ils étaient enrôlés pour faire partie des équipages des bateaux du Roi.

Quand une équipe de la presse avait trouvé un "volontaire", on offrait à celui-ci le "Shilling du Roi", une prime pour son incorporation. Certains s'engageaient, touchaient la prime, puis s'échappaient pour recommencer la procédure. D'autres trouvaient un shilling glissé dans leur poche et quelqu'un prétendait qu'ils avaient perçu le Shilling du Roi et que, par conséquent, ils étaient sous contrat pour servir dans l'armée. D'autres encore, trouvaient un shilling au fond de leur pot de bière et, puisqu'ils étaient en possession du shilling du Roi, ils étaient considérés comme étant dans l'armée. Cela a amené quelques propriétaires à utiliser des pots à fond en verre...

On estimait qu'un marin provenant d'un navire marchand valait largement trois hommes ramenés par la presse. On prélevait des hommes sur les bateaux marchands (sauf les officiers et les apprentis) jusqu'à ce qu'il en reste juste assez pour les manoeuvrer. Quelques marins étaient exemptés, possédant des "billets" d'exemption. C'étaient des marins qui avaient passé moins de deux années en mer. Ces "billets" valaient de l'or : on gagnait quatre fois plus sur un navire marchand que dans la marine de guerre !

Quelques capitaines intelligents avaient trouvé le moyen de s'approprier des marins protégés des bateaux marchands de passage et de se débarrasser des faiseurs de problèmes et des mécontents : ils abordaient un bateau marchand en pleine mer et pressaient alors les meilleurs hommes,  les remplaçant par les plus mauvais hommes qu'ils portaient sur leurs bateaux de guerre. Aussi longtemps que la Marine remplaçait les hommes prélevés, c'était légal.

Un autre moyen de se procurer des marins alors que la guerre était déjà commencée, était de presser des prisonniers qui revenaient après avoir été échangés auprès des Français. Inutile de dire que ces hommes juste libérés des geôles françaises n'étaient pas enchantés d'être envoyés aux carcasses de navires anglais (vieux bateaux sans mâts ou voiles, immobilisés dans un port). En effet, après avoir pressé des marins, la Royal Navy préférait les éloigner du rivage pour qu'il y ait moins de chance qu'ils puissent déserter ou profiter d'une action illégale qui leur aurait rendu la liberté. C'est pourquoi on amarrait dans la région où les équipes de presse devaint sévir, des coques où on entreposait les hommes jusqu'à ce qu'ils puissent être transférés sur leur navire définitif en manque de personnel. Ces bateaux de réception étaient habituellement de "vieux combattants" en trop mauvais état pour reprendre la mer.

Au cours d'une année où une guerre commençait, on ne trouvait jamais assez d'hommes pour équiper les bateaux. Le parlement créa donc les Actes du Quota (Quota Acts). Ces Actes du Quota exigeaient que chaque comté produise un quota d'hommes déterminé selon sa population et selon le nombre de ports dont il disposait. Au début, les comtés offraient une prime de 5 £. En cours d'année, quand les hommes devenaient plus difficiles à trouver, la prime doublait ou triplait. Ensuite les comtés s'adressaient à la Justice pour qu'elle réduise les peines de détenus qui pourraient être "volontaires" pour s'engager ou pour qu'elle propose aux criminels, lors de leur procès, de choisir entre la prison ou la marine. Les plus  intelligents optaient pour la prison parce qu'un homme engagé par la presse restait engagé juqu'à la fin de la guerre, sans permissions et sans mettre le pied à terre. Dans le cas qui nous occupe, la guerre a duré 22 années !

Parfois, les besoins n'étaient pas comblés par les méthodes de recrutement standard. A ce moment, comme en 1803, l'autorisation était donnée de presser tout homme, quelle que soit son occupation, et de l'amener sur son lieu d'opération. Là, on les triait et on  gardait tous ceux qui avaient un lien avec la mer, qu'ils aient des "protections" ou non. Ceux dont on ne voulait pas étaient relâchés.

Les volontaires

Il existait également quelques hommes qui étaient sérieusement volontaires, pas pour les primes ou parce qu'ils avaient été forcés, mais parce qu'ils voulaient être là. Quelquefois ils suivaient un officier particulier.

Il y avait également des paysans et de jeunes garçons qui rêvaient d'aventure et de richesse (parts de prises). Ces paysans étaient des adultes qui n'avaient jamais pris la mer auparavant. Cela prenait approximativement deux ans pour faire d'un paysan un marin. On y recourait facilement car il y en avait une ample provision, mais ils n'étaient aimés ni par les officiers, ni par les marins, bien qu'ils fussent nécessaires.

Une organisation qui aidait à recruter des campagnards et des jeunes garçons était la Marine Society, formée en 1756. Elle recrutait également des pauvres et des indigents, leur donnait un minimum de formation et des vêtements de marins, et fournit 22.973 hommes et garçons à la Marine.

500 à 600 garçons étaient envoyés par la Marine Society chaque année. Ces garçons, habituellement issus de la rue, servaient comme garçons de cabine et "singes de la poudre" ("powder monkeys").

Un capitaine qui ne semblait jamais en manque de volontaires était le Capitaine Lord Cochrane. Après avoir capturé 3 galions espagnols qui contenaient un trésor de 250.000 £, sa circulaire de recrutement lui permettait de choisir et sélectionner à son gré les gens dont il équipait son bateau.

On dit souvent que la Marine Royale a vidé les prisons de leurs prisonniers. Ce n'est pas vrai. Les criminels endurcis n'étaient pas été recherchés ni bienvenus dans la marine. Ceux qui étaient accueillis étaient ceux déclarés coupables d'offenses mineures, des contrebandiers, des débiteurs, des victimes du système de la prison lui-même, ainsi que ceux qui étaient été déclarés coupables d'offenses aux bonnes moeurs, tels ceux qui avaient uriné sur la voie publique et ou qui y circulaient en état d'ivresse.

Les étrangers

Beaucoup d'étrangers étaient volontaires pour le service dans la Marine Royale, mais d'autres étaient pressés. Les Américains constituaient la plus grande part des marins étrangers, suivis par les Scandinaves, les Italiens, et les Africains. Il y avait des marins français, Royalistes et Révolutionnaires qui préféraient la vie en mer à une vie en prison. Un raison de ce volontariat était qu'avec la guerre le commerce était interrompu dans de nombreux ports.

En fait, on pourrait dire que la presse de marins étrangers fut provoquée par la Guerre de 1812. Par une loi passée en 1740, les étrangers ne pouvaient pas être pressés. Mais suite à la pénurie de main-d'oeuvre, le Ministère de la marine a trouvé beaucoup d'astuces pour contourner cette loi. Si un étranger avait servi plus de 2 années sur un navire marchand britannique, il pouvait être pressé. S'il s'était marié à une citoyenne britannique, il devenait citoyen britannique par naturalisation...

Il y avait aussi un désaccord avec les États-Unis sur les règles de citoyenneté. Les Anglais prétendaient que n'importe qui, né sujet britannique, restait toujours un sujet britannique. Cela voulait dire que tous ceux qui étaient âgés de plus de 23 ans aux Etats-Unis étaient des sujets britanniques ! Les États-Unis étaient disposés à déclarer quelqu'un comme un citoyen après qu'il ait servi sur un bateau américain pendant deux années.

Pour protéger leurs citoyens, les USA ont émis un document appelé "Protection". Voici un exemple de ce document :

"Moi, John Keefe, notaire public dans et pour l'État de New York.... certifie par la présente que Daniel Robertson, marin... s'est personnellement présenté devant moi, et ayant prêté serment conformément à la loi, a déclaré qu'il est un citoyen des États-Unis d'Amérique et un autochtone de l'État de Delaware, haut de cinq pieds et dix pouces et demi et âgé approximativement de vingt quatre ans, et je déclare en outre que le dénommé Daniel Robertson qui est un citoyen des États-Unis d'Amérique et susceptible d'être appelé au service de son pays doit être traité en conséquence, par mer et par terre, à tous moments."

Maintenant tout cela peut paraître raisonnable, mais Daniel Robertson pouvait s'adresser à chaque notaire dans la région et alors vendre les "protections" à des marins britanniques pour un bon montant. De même, n'importe qui pouvait s'adresser à un notaire et obtenir une Protection seulement en disant qu'il était un citoyen américain. Ensuite, il y avait l'imprécision de la description. Avec seulement la taille et l'âge apparent inscrits sur la Protection, celle-ci pouvait s'appliquer à 20 % d'un équipage de bateau. A cause de ceci, les Anglais ont désapprouvé ces Protections et ont permis à leurs officiers d'agir selon leur gré.

La version britannique de la Protection était plus détaillée, reprenant non seulement l'âge et la taille, mais aussi le teint, la couleur des cheveux et le lieu de naissance. Les Protections étaient également publiées par le gouvernement et signées par le Premier Lord de l'Amirauté et au moins deux autres Lords de l'Amirauté ainsi que par le secrétaire.